Synopsis : Après 8 années passées en prison suite à un braquage raté, Curro n’a qu’une chose en tête : retrouver sa famille et vivre une vie normale. Mais l’arrivée d’un mystérieux étranger va bousculer ses plans et l’entraîner dans un voyage sombre et sans retour vers la vengeance.
Acteurs : Antonio de la Torre, Luis Callejo, Ruth Díaz, Alicia Rubio
En sortant de la salle de projection, je croyais avoir vu un bon film, sans plus ; c’est que le thème de la vengeance a été maintes fois traité, qu’il s’agisse de la saga Taken en blockbuster ou Old Boy (Park Chan-wook, 2003) quasiment inégalé à ce jour. Peu à peu cependant, le film assez court (nonante minutes) faisait son petit effet jusqu’à me rendre compte que j’avais vu un petit bijou réalisé par l’acteur Raùl Arévalo que l’on avait déjà vu en 2013 dans Les Amants passagers de Pedro Almodóvar où il jouait le rôle du steward Ulloa. Un film somme tout assez dispensable. En revanche l’année suivante, il était le remarquable Pedro Suárez dans le tout aussi remarquable La isla mínima de Alberto Rodríguez. Il y a souvent un a priori négatif sur les acteurs qui deviennent réalisateurs. A ce sujet, une question lui est posée dans le dossier presse : "Vous ne vous êtes jamais dit que le fait d’être acteur pouvait vous empêcher de franchir le pas vers la réalisation ?
Je me souviens, il y a quelques années, j’étais avec Víctor García León et d’autres réalisateurs. L’un d’eux s’est moqué : « Et voilà, encore un petit acteur qui veut devenir réalisateur. » J’étais là, un peu humilié, mais Víctor García León m’a dit : « Souviens-toi de cette phrase mythique de Fernán Gómez : tout le monde s’étonne quand un acteur veut devenir réalisateur, mais personne ne s’étonne quand quelqu’un qui n’est rien veut devenir réalisateur ».
Difficile d’en dire plus sur l’intrigue tant il est important de découvrir l’évolution des protagonistes jusqu’aux retournements de situation dans la dernière partie du film. Celui-ci est construit en plusieurs tableaux - assez courts - qui portent le nom d’un lieu ou d’une personne après un prologue qui nous montre un cambriolage qui a (très) mal tourné. Passé le premier tiers, nous arrivons à un tableau intitulé Ira (la colère) qui se dévoilera (c’est le sens du mot apocalypse) jusqu’à la fin du long-métrage. Celui-ci est tourné en pellicule... 16 mm. Ce choix apporte une densité extraordinaire, un cachet et un grain inimitable. Il y a donc une contrainte au vu du coût du support (sans compter qu’il n’y a pratiquement plus d’endroit où l’on développe), à savoir que l’on ne peut pas faire autant de prises que dans un film en numérique où l’on se retrouve avec des terabytes de données.
Le projet a muri depuis plus de huit ans, le scénario a beaucoup évolué et, à l’arrivée le film est convaincant, à la fois par ses références, mais aussi par sa facilité à en suivre le déroulement puisque le réalisateur désirait que son film ait une structure qui n’ennuie pas quelqu’un comme sa mère ! Et, pour rester en famille, l’idée de départ lui est venue alors qu’il se trouvait dans le bar de son père "En entendant parler d’un crime atroce au journal télévisé, l’un d’eux a dit : « Si ça arrivait à ma famille, je prendrais un fusil et ferais un carnage ». À chaud, on ne sait pas comment on peut réagir face à la violence, mais à froid, je me demandais comment on réagirait face à quelqu’un qui a détruit votre vie. Je voulais donner mon point de vue sur cette question, déjà traitée des millions de fois au cinéma. J’ai écrit une ébauche et j’ai demandé de l’aide à mon ami David Pulido, un psychologue. Je me suis si bien entendu avec lui que je me suis dit qu’on pourrait écrire le scénario ensemble. J’avais très envie de raconter cette histoire. Même s’il ne m’est jamais rien arrivé de tel, j’ai déjà vécu l’expérience de la colère, de la violence et, d’une certaine façon, je voulais la canaliser.".
Tarde para la ira est donc un excellent thriller qui remue le spectateur en abordant des thèmes et émotions : la colère bien entendu, mais aussi la haine, le ressentiment, la rage, la cruauté, la violence sans retenue. Mystère et rythme se combinent pour fournir une expérience sensorielle au spectateur qui ne lâchera pas son fauteuil, en particulier lors de scènes d’une très grande tension psychologique... et physique. La vengeance et la violence font partie de l’humanité, depuis la fondation du monde dirait René Girard. Un film, une histoire qui l’air de rien parlent de l’homme, de l’ire de l’homme, qui attend patiemment, dans l’ombre parce qu’une blessure l’a meurtri profondément et à jamais. Pourra-t-il se libérer et à quel prix ?
Bande-annonce :