Acteurs : Adèle Haenel, Adèle Exarchopoulos, Gemma Arterton, Sergi López, Nicolas Duvauchelle, Robert Hunger-Bühler, Jalil Lespert, Solène Rigot.
Je garde un excellent souvenir de Michael Kohlhaas que j’avais découvert dans le cadre du Brussels Film Festival, en juin 2013. Le lien donné ici renvoie vers un copier/coller de ce que j’avais posté sur le forum DVDClassik [1]. Lors de sa sortie, le film réalisé par Arnaud des Pallières et qu’il avait coécrit avec Christelle Berthevas laissait des critiques divisés. J’étais alors un de ceux qui étaient les plus enthousiastes et je cotais le soir même le film à 9/10 avant même de savoir qu’il serait primé deux jours plus tard.
Quatre ans après, Arnaud des Pallières retrouve Christelle Berthevas pour un film qui surprendra, intriguera, déconcertera des, voire les spectateurs. D’emblée il faut préciser que la structure du film est inhabituelle. Malgré cela Orpheline a obtenu le Bayard d’or du meilleur film lors Festival international du film francophone de Namur 2016 tandis que le Bayard d’Or de la meilleure comédienne, était attribué conjointement à Adèle Haenel, Adèle Exarchopoulos, Véga Cuzytek et Solène Rigot.
Quatre actrices pour un prix… certes mérité, mais qui est inhérent à la construction même de l’intrigue. En dire plus ici est risqué, car expliquer celle-ci convient à « spoiler », autrement dit à dévoiler des choses que l’on doit découvrir au fil du récit. Peut-on le faire ? Si vous avez lu le synopsis, vous aurez probablement deviné de quoi il s’agit. Sinon et surtout si vous aimez ne rien savoir, autant ne poursuivre la lecture qu’après avoir vu le film ! Dans le même mouvement, connaître le « mécanisme » du film peut aider le spectateur à y entrer (comme placer la main ou le pied dans l’eau froide avant de s’y plonger). En effet, plusieurs échos témoignent que la construction du film est ou a été un obstacle pour y entrer véritablement.
L’on se dit cependant, que de l’avoir écrit et réalisé ainsi participe d’un choix de son réalisateur (et de sa coscénariste !) et que ce sont les conditions nécessaires pour découvrir la vie d’une orpheline, un peu, comme les douleurs de l’enfantement sont nécessaires pour voir la vie naître après l’accouchement. En savoir trop ce serait comme d’être sous anesthésie qui vous empêcherait alors de pousser lorsque l’on vous crie de le faire pour qu’une sortie soit possible (toutes métaphores que le critique masculin que je suis emploie sans y connaître quoi que ce soit !). Si donc vous continuez de lire… c’est votre choix !
Orpheline c’est l’histoire d’une femme qui n’est pas orpheline, mais dont l’on peut supposer qu’il s’agit-là de son ressenti le plus intime. Pour raconter cette femme, le film en convoquera plusieurs à l’écran (d’où le prix d’interprétation accordé à celles-ci) d’âges et de physiques différents (ou pas... car on peut se laisser aller à "voir" les ressemblances !) en narrant une histoire à rebours, remontant peu à peu dans le passé, les (mé)aventures et les traumatismes vécus ou subits de l’âge adulte à l’enfance, le tout enchâssé dans un récit au présent. En ce sens, et toutes proportions gardées nous aurions une structure temporelle analogue à celle de Brimstone de Martin Koolhoven (2017) et une évocation d’un personnage unique à travers plusieurs acteurs comme dans I’m Not There de Todd Haynes (2007). Ces comparaisons ne valent pas raison, sont probablement indues, mais ce sont les modèles qui me viennent à l’esprit.
Le prix de la meilleure comédienne rend hommage à un étonnant travail de la part de Véga Cuzytek (Kiki, Karine enfant), Solène Rigot (qui joue Karine âgée de 13 ans… alors même que l’actrice en a près du double… et que le spectateur trouvera néanmoins vraisemblable), Adèle Exarchopoulos (Sandra, Karine jeune) et Adèle Haenel jouant "Renée", l’héroïne adulte. Face à elle(s) Gemma Arterton (Tara) et les protagonistes masculins dont Nicolas Duvauchelle, Jalil Lespert et Sergi Lopez excellent à inscrire Karine dans une vie dont il sera difficile de mesurer la fécondité lorsque le dernier plan laissera le spectateur avec de nombreuses questions et probablement un un sentiment d’abandon, de perte, d’amertume. Si certains spectateurs prudes risquent de s’offenser ce certaines scènes, disons, sensuelles, celles-ci sans être indispensables participent à la découverte de Karine, de ses troubles, souffrances et affects, de son dévoilement en quelque sorte !
A noter que Cinebel présente le film "tous publics" tandis qu’Allociné indique : "Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs".
Arnaud des Pallières et Christelle Berthevas seront mes invités sur RCF lors de la sortie du film en Belgique. Ce sera une occasion d’éclairer les auditeurs sur certaines facettes de leur film et leur donner, le cas échéant, quelques clés de lecture. Dès diffusion à l’antenne, le lien vers le podcast de l’interview sera posté sur ce site.
Mise à jour 5/4/17 : lien vers le podcast de l’interview.
Bande-annonce :