Synopsis : Liliane travaille dans une usine de pâtés. Sous le nom de scène de Laura, elle a jadis participé au Concours Eurovision et était un des espoirs de la chanson française. Jean, un jeune intérimaire de l’usine, la reconnaît et tente de la convaincre de faire un come-back.
Acteurs : Isabelle Huppert, Kevin Azaïs, Johan Leysen, Jan Hammenecker, Carlo Ferrante, Thomas Coomans.
"On est toujours seul avec ses souvenirs".
Le réalisateur s’est inspiré pour son film de cette phrase criée par un clochard, un jour, à Bruxelles (source, y compris de la photo en tête d’article).
Bavo Defurne nous offre ici comme "cadeau" pour l’année nouvelle son deuxième long métrage, après plusieurs courts métrages et l’excellent Noordzee, Texas (Sur le chemin des dunes) qu’il avait réalisé en 2011. Souvenir, film belge flamand... en français... a été présenté hors compétition dans le cadre du Festival International du Film de Marrakech 2016. Le film abordait de façon délicate et émouvante de deux adolescents, l’un homosexuel, l’autre peut-être pas vraiment ou qui le refuse pour correspondre aux conventions hétérosexuelles dominantes. On y relevait aussi dans un second rôle (celui de Zoltan, un gitan) la présence de Thomas Coumans, un jeune comédien belge prometteur que nous avons eu l’occasion de recevoir et de présenter à l’antenne. Jeune comédien ayant acquis pas mal de maturité et tourné dans plusieurs films depuis, Thomas retrouve un petit rôle dans Souvenir (et si l’on a bien été attentif au générique, il joue le rôle d’un certain... Zoltan). A noter que d’autres acteurs de Nordzee Texas sont également partie du casting de Souvenir. Toutefois c’est Isabelle Huppert qui transcende et illumine le film. c’est elle qui est le sujet et l’objet de Souvenir et de souvenirs ! Bavo Defurne change ici de registre par rapport à ses précédents long et courts métrages, avec ce presque feel good movie, cette incroyable et improbable histoire d’un retour sur les planches, doublée d’une autre, d’amour, celle-là.
C’est que le retour sur scène de l’ancienne chanteuse de l’Eurovision est dû à la persévérance et l’acharnement de Jean, un jeune intérimaire dans l’usine de pâtés et aussi boxeur amateur durant ses loisirs. Il "flashe" alors sur Liliane, la chanteuse d’abord, la femme ensuite, celle qui pourrait largement être sa mère, voire sa grand-mère puisque quarante ans les séparent (en tout cas les acteurs qui les interprètent). Et l’acteur qui donne corps à Jean, c’est Kévin Azaïs. En face de lui, Isabelle Huppert est stupéfiante même si nous sommes très loin du rôle très dense que lui donne Verhoeven dans Elle. C’est que question de densité, c’est le jeune Azaïs qui fait le poids dans le film (bien plus qu’un poids plume de boxe !). Que de chemin depuis les excellents Les combattants ou Ni le ciel ni la terre ou La belle saison.
Cette histoire d’amour pour la chanteuse d’abord, pour la femme ensuite est traitée avec pudeur et délicatesse, toute hors-norme qu’elle puisse être. C’est que si la chanteuse devient en quelque sorte ce que l’on nomme une cougar, c’est à son corps défendant et l’initiative vient du jeune boxeur (et l’on a cherché en vain le terme équivalent qui convient pour qualifier l’homme qui prend l’initiative !). Mais cette aventure amoureuse, probablement condamnée à se clore au fils des ans si tant est qu’elle perdure n’est que l’un des volets du diptyque. L’autre étant le potentiel retour sur scène d’une chanteuse oubliée, condamnée aujourd’hui à mettre la main à la pâte, ou plutôt aux pâtés et à leurs garnitures, toujours pareilles, dans des images de travail à la chaine qui en évoquent d’autres, chez Chaplin. Mais cela débute par un hommage dans le club de boxe pour les amis de Jean. C’est aussi, déjà là, le danger de la médiatisation qui pointe jusqu’à ce que certains médias planent comme des vautours au-dessus de leur proie, mais également la jalousie de certains collègues de travail face à celle qui sort du rang. Celle qui était chanteuse, ne l’était plus, se fera écrire des chansons, en écrira même une, ode à son jeune et bel amoureux à son corps et à ses muscles. A ce "joli garçon", elle dit et dira oui assumant ainsi un impossible amour hors des conventions. Etonnante interprétation sur scène, scandée et reprise par le public ! Ajoutons aussi qu’il s’agit de la première collaboration du groupe Pink Martini à un film. Enfin, il y a aussi une autre histoire, celle d’un premier amour, un producteur (Johan Leysen) qui l’a abandonnée pour une plus jeune. Elle le retrouve. Jouera-t-il un rôle dans le retour de Liliane et quels sont désormais ses sentiments ?
Bande-annonce :