Synopsis : Romeo, médecin dans une petite ville de Transylvanie, a tout mis en oeuvre pour que sa fille, Eliza, soit acceptée dans une université anglaise. Il ne reste plus à la jeune fille, très bonne élève, qu’une formalité qui ne devrait pas poser de problème : obtenir son baccalauréat. Mais Eliza se fait agresser et le précieux sésame semble brutalement hors de portée. Avec lui, c’est toute la vie de Romeo qui est remise en question quand il oublie alors tous les principes qu’il a inculqués à sa fille, entre compromis et compromissions…
Acteurs : Adrian Titieni, Maria-Victoria Dragus, Rares Andrici, Lia Bugnar, Malina Manovici, Vlad Ivanov.
Si l’édition 2016 de Festival de Cannes a été décriée pour un palmarès qui suscitait beaucoup de réactions négatives, il faut reconnaître l’une ou l’autre exception, notamment pour le prix de la mise en scène accordé à Bacalaureat. Ce quatrième long métrage de Mungiu n’est pas "facile", à l’image des précédents [nous n’avons jamais vu Occident (2002)]. Le film aborde des questions de fond qui touchent à la société roumaine d’après Nicolae Ceaușescu, mais par le biais de l’intime d’une relation entre un père et sa fille. En contrepoint de celle-là, un autre axe est abordé, celui de la grandeur et décadence de ses amours. Le réalisateur prend son temps, celui de filmer en longs plans-séquences une histoire très banale : celle d’un père qui veut que sa fille puisse s’en sortir dans la vie, mais pour cela il faut... sortir du pays. Une patrie sans avenir, comme celui qu’il n’a pas, médecin dans un petit hôpital. Il a quelques amis et relations dans la police, une vie banale, voire bancale en amour. Il voudrait que sa fille échappe à cette routine quotidienne et lui inculque les valeurs d’intégrité qui sont les siennes. Mais qui n’a pas ses zones d’ombre ? Il y a toujours de la poussière sous le lit conjugal, même s’il n’est plus fréquenté ! Une seule étape, un seul relais reste à franchir pour que sa fille puisse gagner l’Angleterre. Réussir le baccalauréat ! Et elle est à deux doigts. La ligne droite est devant elle jusqu’à ce qu’à l’occasion d’un raccourci, une autre ligne droite, physique, matérielle pour se rendre à l’école sans faire de détour, pour gagner du temps, une agression, presque un viol va suspendre le temps pour la jeune fille. Traumatisée, elle risque de ne pouvoir réussir, voire passer ses examens ! Comment va-t-elle gérer cela ? Et comment va réagir Marius (Rares Andrici) son petit ami ?
De son côté, son père, intègre - nous l’avons écrit déjà ! - va tenter de trouver une solution. Légale d’abord : expliquer, être rationnel ! L’agression justifierait bien quelques aménagements aux règles : par rapport à son plâtre, aux documents perdus, au temps supplémentaire dont elle aurait besoin pour mener à bien ses examens. Mais quand la bureaucratie est là, Kafka n’et pas loin et les règles et les règlements deviennent autant de barrières infranchissables.
A moins que le père - intègre ! - ne demande à un ami dans la police, et le policier à une connaissance... et peut-être que cela s’arrangerait pour aider cette personne à grimper quelques échelons dans la file d’attente d’un rein. En fait, remonter simplement au premier nom de la file. Rien que cela. Mais changer les règles, c’est mettre pas mal de monde dans le coup... Ce n’est pas un problème : en ce pays (nous savons bien que cela n’arrive que dans les pays de l’Est, peut-être un peu en Italie, mais pas chez nous bien sûr !) tout le monde connait quelqu’un à qui on a déjà rendu service et qui doit quelque chose en retour. Donnant donnant ! Je te donne un rein, tu me donnes le Bac... enfin pas pour moi, mais pour ma fille qui n’en peut. Mais si le père a si bien inculqué la fille à l’intégrité et que celle-ci refuse de jouer le jeu. Et si d’aventure la police commence à enquêter... comment tout cela finira-t-il ? Sans compter une autre enquête, celle du père pour connaître l’identité de l’agresseur de sa fille.
Même si l’intrigue est ici seconde, voire secondaire par rapport aux enjeux éthiques soulevés par le film, on vous laisse découvrir à l’écran comment cet écheveau va se dénouer (ou pas) et si la morale est sauve à la fin.
Au-delà de l’intrigue et de la vie intime et personnelle, c’est l’estompement de la norme dont il est question ici, via une corruption larvée dans le pays et les "petits arrangements entre amis". C’est aussi le regard que chacun porte sur ses actes où l’on s’exonère parfois de ses fautes, faiblesses, fragilités et zones d’ombres. Mais il serait bien trop facile de se cantonner à la société roumaine. Au-delà du médecin, de sa fille, de sa femme, de sa maîtresse, d’un pays... c’est un peu chacun de nous qui est concerné par ce drame intime, familial, mais finalement, très universel !
En quelque sorte, un film qui sortira à pic durant le temps de Noël !