Synopsis : Victoria Spick, avocate pénaliste en plein néant sentimental, débarque à un mariage où elle y retrouve son ami Vincent et Sam, un ex-dealer qu’elle a sorti d’affaire. Le lendemain, Vincent est accusé de tentative de meurtre par sa compagne. Seul témoin de la scène, le chien de la victime. Victoria accepte à contrecœur de défendre Vincent tandis qu’elle embauche Sam comme jeune homme au pair. Le début d’une série de cataclysmes pour Victoria.
Acteurs : Virginie Efira, Vincent Lacoste, Melvil Poupaud, Emmanuelle Lanfray, Laurent Poitrenaux.
Il y a trois ans, Justine Triet présentait La bataille de Solférino à Cannes, dans le cadre de la programmation de l’ACID (Association pour le cinéma indépendant et sa diffusion). Le film, une comédie dramatique (et dont l’aspect comédie était plutôt second), a reçu plusieurs prix et avait été tourné en partie le jour de la victoire de François Hollande au second tour de l’élection présidentielle, ce qui lui donne, par certains moments un aspect "documentaire". On retenait en particulier l’interaction entre la vie privée et la vie professionnelle et comment l’une et l’autre pouvaient s’en trouver affectées ou bouleversées.
Ce sont des thèmes analogues sur lesquels surfe le deuxième long-métrage de Justine Triet. Il avait fait l’ouverture de la Semaine de la Critique au Festival de Cannes en 2016. Nous n’avions pu assister à la vision presse pour les journalistes, mais avons pu voir le film lors d’une avant-première à Bruxelles, en présence de notre compatriote Virginie Efira. Nos auditeurs sur RCF ou lecteurs du CINECURE connaissent nos réticences par rapport aux comédies françaises. C’est dire que nous avons été surpris, très agréablement surpris par celle-ci. Les nombreux rires du public, dans une grande salle quasiment comble, témoignaient de l’excellence de la comédie. L’histoire tient certes sur une demi-page A4 et toute l’intrigue se trouve dans le synopsis. L’essentiel n’est donc pas de connaître le dénouement (heureux ou pas...), mais le film est classé dans le genre romance-comédie-drame, c’est dire que la surprise n’est pas tellement dans la fin.
En revanche, ce qui est important ce sont les différentes tranches de vie, scènes de la vie quotidienne d’une avocate, tant dans sa maison que dans sa vie professionnelle avec ses clients où au tribunal. Succession très intelligente de sketches qui ont déjà leur propre densité, mais qui, mis bout à bout, rendent ce film totalement jubilatoire. C’est que non seulement les situations, mais aussi les dialogues suscitent sans cesse le rire (et souvent avec un humour qui n’est ni bêtifiant ni graveleux - cela vaut d’être mis en exergue). On se demande comment Victoria arrive à accumuler tant de déboires. Nous avons donc apprécié ce film dont quelques scènes resteront dans les annales : certains échanges de Victoria au lit avec l’un ou l’autre coup d’un soir, ou encore les scènes au tribunal ou l’on demande à un chien ou un singe de témoigner. Ce sont aussi les rencontres de Victoria avec un psy et d’autres avec une voyante ! Vous aurez l’occasion d’en découvrir de nombreuses autres et il vous sera bien difficile de vous empêcher de rire.
Plus encore que le scénario (bon) il y a surtout la prestation bluffante de Virginie Effira. C’est presque un travail d’abattage tant le film non seulement repose sur ses épaules, mais semble fait pour elle. Qu’elle soit en mode survolté ou en mode dépressif elle assure une présence qui donne son dynamisme et soin charme au film (et l’on comprend que son prénom en fasse le titre !). Toutefois, il faut reconnaître aussi l’excellence des seconds rôles. Ainsi un génial Vincent Lacoste en jeune homme au pair... mais qui non seulement rêve d’autre chose, mais est aussi très lucide sur Victoria. Ajoutons Melvil Poupaud dans le rôle d’un possible psychopathe qui a tenté de poignarder sa femme ou encore Laurent Poitrenaux dans le rôle de son ex-mari qui tient un blog très fréquenté et veut écrire un livre sur son ex-femme et aussi ses ex-clients et porter à la face du public ses relations affectives, professionnelles, sexuelles... jusqu’à la faire apparaître comme insatisfaite dévoreuse d’hommes. Il faudra suivre aussi la débutante Emmanuelle Lanfray dont c’est le premier rôle dans un long métrage (ici comme consoeur de Victoria). Un film à voir... les yeux fermés (enfin, quelques secondes, pendant la pub, par exemple... parce qu’ensuite ils seront écarquillés !). Notre note tient compte du genre du film dont le cahier des charges est parfaitement bien exécuté.