Synopsis : Jenny, jeune médecin généraliste, se sent coupable de ne pas avoir ouvert la porte de son cabinet à une jeune fille retrouvée morte peu de temps après. Apprenant par la police que rien ne permet de l’identifier, Jenny n’a plus qu’un seul but : trouver le nom de la jeune fille pour qu’elle ne soit pas enterrée anonymement, qu’elle ne disparaisse pas comme si elle n’avait jamais existé.
Acteurs : Adèle Haenel, Olivier Gourmet, Thomas Doret, Jérémie Renier, Christelle Cornil, Marc Zinga.
La fille inconnue, c’est une ellipse à deux foyers : la quête d’une inconnue et une culpabilité à gérer. Tout cela est en somme déjà exprimé dans le synopsis ci-dessus. Mais c’est traité à la façon des frères Dardenne, soit avec une autre focalisation, sur le volet social, selon deux autres axes. La banlieue de Liège, nous sommes à Seraing et sa population pauvre ou en dehors du coup, du flux social, d’une part et d’autre part, la vie de médecin en dehors de la grande ville. C’est que la doctoresse Jenny Davin que nous découvrons en remplacement d’un confrère hospitalisé et qui remet son cabinet et sa patientèle rêve de passer dans une institution prestigieuse où elle pourra déployer ses compétences et mieux gagner sa vie. Nous la voyons travailler avec Julien, un jeune stagiaire sur lequel elle montre son ascendant. Celui-ci rêve de devenir médecin (nous comprendrons finalement pourquoi), mais ce rêve vire au cauchemar ou se brise suite aux événements qui vont catalyser la quête et l’enquête de Jenny.
Et justement à cause de l’incident, la vie de Jenny s’en trouve bouleversée et elle va faire un virage à 180 degrés dans sa carrière et se tourner vers la médecine sur le terrain. C’est tout l’art des réalisateurs de nous montrer la réalité du terrain et ses difficultés pour un médecin. Ni de ville ni de campagne, mais entre les deux. C’est aussi la violence de certains patients ou prétendus tels. Nous sommes vraiment en banlieue ouvrière et c’est probablement le volet le plus intéressant du film.
Le deuxième volet ou foyer du film, c’est la gestion de la culpabilité du médecin. Celle-ci aura des conséquences sur sa carrière puisque Jenny prendra un tout nouveau tournant et aussi sur le jeune stagiaire qui retournera au pays. Cette culpabilité ronge notre jeune médecin, brillamment interprétée par Adèle Haenel, combative (mais moins que dans Les combattants - occasion de faire un mauvais jeux de mots. A noter aussi une brève apparition de l’actrice - mais plus qu’un caméo - dans Nocturama qui sort en Belgique en septembre de cette année. S’agissant de brève apparition, notons celle de Marc Zinga. On pense un moment à une simple ’silhouette’, mais il a un rôle (petit) à soeur dans l’histoire. Parmi les seconds rôles, il y a le jeune Bryan, interprété par Louka Minnelli - son premier long métrage - tandis que Jérémie Renier (méconnaissable - en tout cas nous ne l’avions pas reconnu) joue le rôle de son père.
Il y a un autre axe qui traverse l’ensemble du film, c’est la quête ou l’enquête presque policière pour retrouver l’identité de l’inconnue. Non pas l’enquête des autorités, mais celle de Jenny. Sa quête va générer des conflits et des tensions que vous découvrirez durant le film. C’est toutefois l’aspect du film qui nous a le moins séduit parce qu’il nuit à la cohérence et distrait le spectateur d’autres enjeux (ceux justement qui sont habituellement au coeur des films des frères Dardenne). En réalité, l’inconnue n’est probablement pas celle que l’on croit puisque la police semble trouver son identité. Plus fondamentalement et de manière étonnante - comme nous en convenions avec quelques confrères à la sortie du film, s’il y a bien une fille inconnue dans ce film des frères Dardenne (pas nécessairement leur meilleur) c’est bien la doctoresse. Certes, nous avons découvert une "écoutante" : des coeurs et des poumons, mais aussi des âmes... Nous connaissons son nom, nous la voyons travailler... mais nous savons finalement très peu d’elle parce que sa quête l’obnubile et détourne, dans la même foulée, le spectateur de son personnage. Nous voulons chercher avec elle, nous voulons connaître l’identité de la défunte, et tout à la mobilisation requise par cette (en)quête, nous n’avons pas vraiment découvert Jenny !