Synopsis : Clara, la soixantaine, ancienne critique musicale, est née dans un milieu bourgeois de Recife, au Brésil. Elle vit dans un immeuble singulier, l’Aquarius construit dans les années 40, sur la très huppée Avenida Boa Viagem qui longe l’océan. Un important promoteur a racheté tous les appartements, mais lui, se refuse à vendre le sien. Elle va rentrer en guerre froide avec la société immobilière qui la harcèle. Très perturbée par cette tension, elle repense à sa vie, son passé, ceux qu’elle aime.
Acteurs : Sonia Braga, Irandhir Santos, Humberto Carrao, Maeve Jinkings.
Aquarius est le deuxième long-métrage de Kleber Mendonça Filho, né en 1968, à Recife, Pernambuco, au Brésil, après le remarquable O Som ao Redor (Les bruits de Recife, 2012). Il y traitait déjà, dans un film construit en trois parties (les chiens de garde - garde de nuit - gardes du corps) de questions cruciales au Brésil, notamment la présence de sociétés qui ne se mélangent pas, sur fond de questions de sécurité et de rapport entre le public et les sociétés privées. Un film - il est disponible en DVD - à revoir probablement après avoir découvert Aquarius ! C’est que celui-ci aborde des thèmes analogues, toujours à Recife, l’existence de deux mondes qui ne se mêlent pas, en gros celui d’un quartier de classe moyenne aux côtés d’un autre pauvre, quasiment un bidonville. Un promoteur privé veut de faire de l’immeuble Aquarius (qui donne son nom au film) le "nouvel Aquarius". Tout le monde vend, sauf une irréductible Brésilienne, qui ne souhaite pas vendre son appartement, quelle que soit l’offre qu’on lui fait. Le film est construit, lui aussi, en trois parties : les cheveux de Clara, l’amour de Clara - la plus longue -, le cancer de Clara.
Le réalisateur nous permet de découvrir la vie de Clara depuis les années 80, ses amis, sa famille, son combat contre le cancer (on lui enlèvera le sein droit) jusqu’aujourd’hui. La vie au quotidien, ses rencontres et relations, son immeuble, son quartier, ses amours mais aussi son mari. C’est alors la confrontation avec un promoteur et son petit fils, jeune loup aux dents si longues "que l’on entend rayer le parquet". Elle refuse tout compromis et ne veut pas abandonner l’appartement où elle a élevé ses enfants. Nous suivons Clara dans sa vie quotidienne, ses loisirs, sorties, rencontres en même temps que ses tentatives de garder sa dignité alors même que plusieurs mesures vexatoires sont prises à son encontre. Ainsi l’occupation nocturne de l’appartement juste au-dessus du sien (alors que tous les habitants, sauf elle, ont vidé les lieux) par des "partouzards" très bruyants. Occasion pour Clara (et pour nous aussi pour quelques secondes) de jeter un oeil sur des relations sexuelles torrides et explicites ! Clara n’est cependant pas une femme sans sentiments et sans corps. Nous avons droit à plusieurs reprises à certains de ses souvenirs à l’écran qui nous la montre bien à l’aise avec son corps et son sexe, mais aussi, aujourd’hui encore, veuve, mais femme qui peut faire appel au gigolo d’une amie ! Bien sûr l’essentiel n’est pas là, mais dans la confrontation avec la société qui tente par tous les moyens, y compris crapuleux de lui reprendre son appartement. Mais Clara qui est une femme forte, qui a survécu à un cancer ira jusqu’au bout, car elle ne veut pas se laisser abattre, même s’il faut aller pour cela dans la forteresse de l’ennemi et donner un coup de pied dans la fourmilière avec l’aide de son avocate. Occasion de montrer l’horreur et la saleté dont certaines vermines sont capables dans ce monde.
On ne manquera pas de faire le lien avec les images parallèles aux Jeux olympiques de Rio, ainsi la destruction de certains bidonvilles, les exactions et aussi la volonté de cacher les pauvres, les quartiers populaires du Brésil. En ce sens, même si Aquarius est une fiction, celle-ci véhicule un message essentiellement politique au sens étymologique, à savoir la gestion de nos différences et limites sur l’agora, la place publique. C’est pourquoi la durée du film (141 minutes, le premier en faisait déjà 131) risque de lui nuire. Certes la durée est essentielle pour appréhender Clara, interprétée de façon magistrale par Sonia Braga. Et ce temps sera compris par les cinéphiles. Aux autres il faudra faire l’effort de voir le temps passer. Après tout, selon Chantal Akerman, c’est le signe d’un bon film !
Bande-annonce :