Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews sur la radio RCF Bruxelles (celle-ci n’est aucunement responsable du site ou de ses contenus et aucun lien contractuel ne les relie). Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques et en devient le principal rédacteur depuis 2022.
Synopsis : Laila est une jeune fille romantique, un peu rebelle. Elle est étudiante et compose de la musique pour un groupe rock de son université de New Delhi. Elle cherche à vivre comme les autres jeunes de sa génération, malgré son handicap qui l’oblige à se déplacer en fauteuil roulant. Elle est à l’âge où l’on est toujours à la recherche de plus de liberté et de nouvelles expériences. Elle aspire à vivre pleinement malgré le regard que les autres portent sur elle. Elle veut découvrir le monde et obtient d’aller poursuivre ses études à l’Université de New York. En compagnie de sa mère, elle quitte New Delhi pour New York. Elle y fait la connaissance de Khanum, une jeune femme militante, avec qui elle va s’épanouir. Ce séjour américain va lui permettre, entre autres, de découvrir sa sexualité. Source
Acteurs : Kalki Koechlin, Revathy, Sayani Gupta, William Moseley.
Margarita, With a Straw, présenté déjà en 2014 dans plusieurs Festivals où il a été remarqué ne sortira que cette année dans notre pays et sa diffusion sera restreinte. Les Bruxellois le verront essentiellement à Flagey. Nous avons été bluffé par ce film ou, plus exactement, par le jeu de l’actrice principale dont nous pensions qu’il s’agissait d’une vraie handicapée. Ce n’est qu’après la lecture du dossier presse après la vision du film que nous avons appris qu’il n’en était rien. Kalki Koechlin est d’origine française et habite son rôle et son personnage en lui assurant un maximum de crédibilité ce qui n’est pas le cas du scénario qui manque parfois cruellement de vraisemblance. Le film nous est apparu malgré tout comme un conte de fées avec, parfois, un aspect presque documentaire qui pouvait le rendre ennuyeux. Ce deuxième long métrage de Shonali Bose aurait pu s’intituler l’aveugle et la paralysée ! C’est que ces deux femmes, héroïnes de ce récit de découverte de soi et de l’amour sont au centre du récit où chacune est au service de l’autre grâce ou à cause de leur handicap qu’elles surmontent. Il est question d’un tabou en Inde, celui de l’homosexualité. C’est que Khanum (Sayani Gupta) que Laila rencontre à New York est lesbienne. Laila, quant à elle ne l’est pas ou ne le sait pas. Elle sort d’une (mé)aventure amoureuse avec un garçon et sa rencontre avec Khanum lui fera découvrir une part secrète en elle de ce sur quoi elle n’a pas encore mis de nom !
Ce sont aussi d’autres facettes que le film nous fait découvrir : les relations hommes/femmes, épouse/époux en Inde, un concours de musique et de chants où le remarquera le doigt d’honneur de l’héroïne, sa passion pour les échecs qui se donne à connaître lors de son séjour en Amérique, la jalousie de Khanum lorsque Laila a une aventure avec un garçon et le quiproquo avec sa mère à propos de la "BI" (sexualité) lors du retour au pays. A la fin du film, on quitte ses protagonistes avec un peu de vague à l’âme, comme s’il avait fallu le temps qui passe et la clôture de l’histoire (même si la fin semble laisser des portes ouvertes) pour se laisser emporter par cette aventure indienne...
Pour prolonger cette critique, allez lire celle, plus longue, mitigée, mais admirative d’une blogueuse passionnée de films indiens (c’est ici).
Vous pouvez aussi cliquez sur le lien qui suit pour lire l’interview extraite du dossier presse.
Margarita, with a straw est mon second long métrage, inspiré par ma cousine Malini, qui souffre de paralysie cérébrale. Dans son cas, la partie du cerveau qui contrôle les capacités motrices est endommagée dès la naissance. Mais les capacités émotionnelles et intellectuelles sont intactes. Un jour, quand j’avais 40 ans, et Malini 39, nous prenions un verre dans un pub de Londres. Je passais par là sur mon chemin entre les USA et l’Inde, et elle y avait repris des études à l’université. Je lui ai demandé ce qu’elle allait faire pour son quarantième anniversaire, le meilleur de tous ! Son élocution est d’habitude assez difficile à comprendre, mais parfois, quand elle est fâchée ou enthousiaste, les paroles sont limpides. C’était une de ces occasions : elle a tapé du poing sur la table et a dit haut et fort, pour que tout le pub entende : je veux juste avoir fait l’amour avant d’avoir 40 ans ! J’ai souri, penaude, et lui ai assuré que ce n’était pas aussi bien que ce que l’on voulait faire croire, etc etc. Mais plus tard, en repensant à ce qu’elle avait dit, à ce qu’elle voulait si passionnément, j’ai réalisé que je n’avais même jamais songé à sa sexualité. Ou peut-être l’avais-je simplement évité, car je ne savais pas qu’en penser. Ce fut le début de l’aventure Margarita.
Quand j’ai commencé à explorer le personnage et ses problèmes, la grande question était celle de l’estime de soi. C’est un problème crucial auquel tout le monde fait face, handicapé ou non.
De là découle l’acceptation et l’amour de soi. En me penchant sur ma propre expérience, j’ai eu l’impression d’avoir été en permanence à la recherche d’une affirmation externe, de l’amour et de l’amitié. J’en ai parlé à mon fils de 16 ans, mon aîné, Ishan, pendant un dîner au restaurant. J’ai dit qu’enfin, après tant d’années, je m’étais trouvée, je m’avais MOI. Je n’étais pas sûre qu’il comprenne. Mais il m’a regardée dans les yeux et m’a dit « Je te comprends tout à fait ». Il m’a souri, doucement et avec assurance ; lui aussi savait qui il était, qu’il pouvait compter sur lui-même, je pouvais le voir dans ses yeux. Et j’en étais tellement fière. J’ai ri et dit qu’il m’avait fallu 40 ans pour découvrir ce que lui avait déjà ! « Tu as de la chance » lui dis-je. Trois mois après ce dîner, mon fils est mort suite à un terrible accident causé par un rasoir électrique défectueux. A ses funérailles, entourée par les amis et la famille qui sanglotaient, j’ai ressenti une intense paix intérieure. J’ai senti la présence et les bras aimants de mon fils enlacés autour de moi, me donnant une force énorme. Avec une lucidité aveuglante au moment de sa crémation, j’ai vu et compris, et j’ai été capable d’accepter son départ de cette terre.
Pendant quelques mois, j’ai bien entendu laissé Margarita de côté, me débattant avec ces changements énormes dans ma vie et m’occupant particulièrement de mon plus jeune fils. Puis, 4 mois plus tard, j’ai célébré le dix-septième anniversaire d’Ishan avec autant de joie que je l’aurais fait s’il avait été vivant. Parce que c’était le jour où il était entré dans ma vie, et que rien ne changerait cela. Cette nuit-là, j’ai été capable de m’asseoir et de commencer à écrire le premier jet de Margarita, with a straw.
Quand la vie vous sert des citrons, vous pouvez devenir amer et acide, ou vous pouvez vous en servir pour préparer une délicieuse Margarita et porter un toast ! C’est l’essence de Margarita, with a straw.
Le film est devenu très personnel, car écrit dans ce creuset de mort, d’acceptation et de besoin d’aller de l’avant. J’ai écrit du plus profond de mon être. Et ce film comprend toute la douleur, la lutte, la joie, la paix et l’acceptation de cette période de ma vie. Même si les événements et les personnages sont tout à fait différents.
...ou encore, cette rencontre avec Nilesh Maniyar (format pdf), co-réalisateur de Margarita with a straw en 2015 à Vesoul (source de l’interview).