Synopsis : Deux amis d’enfance se rencontrent après de nombreuses années. Séparés par la mer Atlantique, chacun mène sa vie dans un autre continent, lors des retrouvailles, le temps ne semble pas s’être écoulé. Julian et Thomas passent des jours inoubliables ensemble, pleins de rires et pleurs ils plongent dans leurs souvenirs. Leurs retrouvailles seront aussi sans le savoir un adieu.
Acteurs : Ricardo Darín, Javier Cámara, Javier Gutiérrez, Dolores Fonzi, Silvia Abascal.
Nous avions vu ce film lors d’une journée organisée par le distributeur à la mi-mars 2016. Nous prenions le temps de digérer ce film qui nous avait ému, touché tant les thèmes abordés étaient justes et profondément humains. Il fallait le temps de décanter le film avant d’écrire quelque chose à son sujet. Et le 22 mars, nous étions dans la rame de métro qui a explosé à la station de métro Maelbeek, dans la voiture juste devant celle où un kamikaze s’est fait exploser. Il a fallu plusieurs semaines de repos de se remettre des séquelles psychologiques d’une bombe qui explose à deux ou trois mètres de vous ! Autant dire aussi que malgré tout le plaisir que nous avions eu à la vision de ce film, le coeur n’était pas à l’ouvrage. Peu importe puisque la sortie était prévue en Belgique et en France début juillet. Entretemps, le film a été programmé au Brussels Film Festival, dans le cadre d’une journée "espagnole". Nous l’avons donc (re)vu avec d’autres confrères en vision presse. Réaction au sortir de la salle d’une "professionnelle" du cinéma : "Je n’ai jamais vu autant de journalistes au bord des larmes et/ou sous le coup de l’émotion !"
Et c’est vrai qu’il est attendu de nous au moins en "vision presse" une certaine neutralité, éventuellement "bienveillante". Ici, ce fut bien plus tant le film est une ode à l’amitié mais aussi à l’amour. Il aborde avec tendresse et même humour la question de la mort comme faisant intrinsèquement partie de la vie. Reprenons ici l’expression de Jacques Pohier qui écrit que, en leur temps, les Cyniques, auraient pu dire que "être vivant est la seule maladie mortelle incurable"(in Dieu Fracture, Seuil, Paris, 1985, p.149). C’est donc avec beaucoup de bonheur et d’émotion que nous avons suivi, durant quatre jours et trois nuits, Tomas, résidant au Canada qui revient en Espagne, pour rendre visite à Julian, un ami madrilène. Tomas, Julian ! Quid alors de Truman ? Celui-ci, c’est un chien, celui de Julian. Il sera un fil conducteur du film même si pendant de longues séquences il sera absent de l’image mais présent au récit. En tout cas, ces deux-là vont vivre des instants émouvants et surprenants…
Des instants, des instantanés de vie. Des rencontres, avec un fils, une future belle-fille, une ex-épouse... sur fond de quelque chose de grave. Ce n’et pas spoiler que de l’écrire. Très vite, après cinq minutes, le spectateur est informé de la mort très prochaine de Julian. Un cancer le ronge, inopérable, et il refuse de prolonger son existence de façon artificielle par une lourde chimiothérapie. Il veut bien passer quelques jours avec son ami Tomas si celui-ci ne remet pas en cause son projet de ne pas combattre la maladie (voire peut-être d’anticiper la fin !). Tomas, sans être riche, a beaucoup plus de moyens que Julian qui est sans le sou. Cela donne d’ailleurs lieu à un gag récurrent durant tout le film.
Ce sont surtout les rencontres, notamment, celle, imprévue, avec le fils de Julian, à Amsterdam. C’est en tendresse, en finesse, en non-dit, littéralement puisque Julian ne dira pas à son fils sa prise de décision quant à son cancer (et ces non-dits sont d’ailleurs occasion de revoir le film pour en saisir toute la richesse). On comprendra donc que ce film ait été particulièrement applaudi en Espagne. Il a en effet récolté cinq Goya (l’équivalent des César) parmi lesquels celui du Meilleur Film, du Meilleur Acteur (Ricardo Darín) et du Meilleur Second Rôle (Javier Cámara). Normal puisque tout comme Nanni Moretti l’avait fait avec Mia Madre, Cesc Gay est parti de de sa propre expérience de la mort de sa maman pour réaliser son film. Toutefois, plutôt que d’en faire un drame, il a opté pour la comédie (dramatique quand même), à travers la relation d’amitié entre ces deux hommes. Cesc Gay précise ainsi : "C’est sans aucun doute cette expérience qui m’a poussé à parler de ce que je venais de traverser. C’était peut-être un peu osé de ma part, mais j’avais besoin d’expliquer ce que j’avais vu et ressenti durant cette période (...) Les mois suivants, je me suis retrouvé à tenir un journal sur lequel je reportais chaque situation, chaque réaction et chaque émotion vécue par ma mère, par moi, ma famille ou mes amis tout au long de la maladie et de son inéluctable issue".
Quant au titre, Truman, on vous laisse découvrir sa pertinence tout du long du film. Il sert de courroie de transmission (voire de chaîne... ou de laisse), transmission de message, de vie, de mort, d’amitié, de (non)dits (ainsi la scène chez le vétérinaire) lorsqu’il faut rendre les comptes d’une vie avant de la quitter !
Un article pour prolonger la réflexion...