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CINECURE
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Ben Wheatley
Hight Rise
Sortie le 6 juillet 2016
Article mis en ligne le 21 mars 2016

par Charles De Clercq

Synopsis : 1975. Le Docteur Robert Laing, en quête d’anonymat, emménage près de Londres dans un nouvel appartement d’une tour tout juste achevée ; mais il va vite découvrir que ses voisins, obsédés par une étrange rivalité, n’ont pas l’intention de le laisser en paix... Bientôt, il se prend à leur jeu. Et alors qu’il se démène pour faire respecter sa position sociale, ses bonnes manières et sa santé mentale commencent à se détériorer en même temps que l’immeuble : les éclairages et l’ascenseur ne fonctionnent plus mais la fête continue ! L’alcool est devenu la première monnaie d’échange et le sexe la panacée.

Acteurs : Tom Hiddleston, Jeremy Irons, Sienna Miller, Elisabeth Moss, Luke Evans, James Purefoy, Keeley Hawes, Stacy Martin.

Des obligations pastorales ont fait que je n’ai pas pu assister à la vision presse de High-Rise. Dès lors je n’ai rien lu sur le film, ni synopsis ni dossier et n’ai pas vu la bande-annonce. Il m’a été proposé, pour me "rattraper", de visionner le film lors de clôture du festival Off Screen au cinéma Nova à Bruxelles, en présence du réalisateur. Je l’ai fait plus comme soutien au festival que comme journaliste et j’ai donc vu le film, innocent comme l’agneau qui vient de naître. L’esprit et le cerveau neutres, vierges de tout a priori, et le film que j’ai vu était décoiffant !

Mes lacunes en anglais ont fait que je n’ai pas saisi l’intervention du réalisateur. Bien plus, je n’avais pas fait le lien avec celui qui avait réalisé Kill List et Touriste, deux films qui ne laissent pas indifférents. le premier est un film d’horreur et le deuxième une comédie noire. Pas étonnant donc - a posteriori - de découvrir, dans une des scènes d’ouverture, Loki, pardon Tom Hiddeston dans le rôle du Docteur Laing, occupé à ronger la patte d’un chien (vu quelques instants auparavant bien vivant) qui a été rôti sur un barbecue ! Le ton était donné.Cela pouvait casser ou passer. Et ce fut le cas. C’est un grand film de science-fiction qui se déroulait sous mes yeux. C’était aussi un immeuble, étonnant, dont l’architecture était à la fois moderne et surannée qui semblait être au centre du film. A ce moment-là, et jusqu’au générique final, je n’avais pas fait le lien avec J.G. Ballard et son roman de 1975, I.G.H. que je n’avais de toute façon pas lu ! En revanche, je faisais des liens avec un roman de 1974 que j’avais lu lors de sa sortie en 1974. Il s’agissait de L’imprécateur de René-Victor Pilhes et il y était question d’un immeuble dont les fondations se fissuraient, métaphore, semblait-il, de la mise en cause du capitalisme contemporain.

Et c’est finalement, d’une certaine manière, l’objet du film de Ben Wheatley. C’est l’histoire d’un immeuble, dont les étages constituent une pyramide sociale (les riches au-dessus, les pauvres en dessous) où chacun tente de grimper pour assurer une meilleure position. Hélas, les places sont déjà prises et bien moins nombreuses que le nombre de demandeurs ! On pourra, au besoin, faire une comparaison avec la bande dessinée Le Transperceneige de Jacques Lob et Jean-Marc Rochette dont la première publication se fera en 1982. C’est donc assez contemporain du roman de Ballard. Et cette BD a également été adoptée au cinéma (Snowpiercer, 2013).

Cette tour permet de vivre en autarcie : tout est disponible, les grandes surfaces autant que les loisirs. Tout fonctionne au mieux dans le meilleur des mondes possibles, même si les animosités, rancoeurs, jalousies, se manifestent, de façon larvée ou au grand jour, allant jusqu’à générer de très grandes tensions ! Et c’est quand la tension (une autre !) vient à manquer, quand une panne électrique survient que la fragilité de la tour apparaît ainsi que celle de ses habitants. Si certains ont accumulé des ressources, tous finissent pas se retrouver en manque. Comment gérer les carences ? De manière démocratique ou par le droit du plus fort, ici le plus riche, celui qui possède toutes les clés pour monter.

Au-delà de cette trame narrative qui constitue l’ossature du film, ce sont aussi différents étages qui sont montrés, comme autant de facettes de vie (a)sociale ! C’est avec un humour noir, caustique et parfois absurde que le réalisateur transcrit l’univers de Ballard. Certains auront des difficultés pour adhérer à cette vision trop noire, nihiliste et absurde. D’autres apprécieront ce regard lucide et critique, prémonitoire, jeté sur nos sociétés capitalistes et occidentales. Ce sera d’autant plus vrai que des acteurs prestigieux jouent à merveille cette partition, dont une autre, musicale, celle-là englobe le film pour lui donner une cohérence jusque dans la déstructuration d’un univers et de ses présupposés. Ajoutons à cela les décors qui donnent leur identité au film :
"High-Rise a été tourné à Belfast, en Irlande du Nord, où la production a trouvé des lieux évoquant le Londres des années 70 dans la ville côtière de Bangor, alors qu’il aurait été extrêmement difficile de les trouver dans le Londres d’aujourd’hui.

Le lieu de tournage principal du film était le Bangor Leisure Centre, conçu par Hugo Simpson en 1970. L’immeuble de style Brutaliste (en béton brut) offrait des espaces d’époque adaptés, reflétant parfaitement le style des années 70 et incluant une piscine et un court de squash. C’est là que le chef décorateur Mark Tildesley a conçu les appartements des habitants, notamment ceux de Laing, Charlotte, Wilder, Talbot et Steele. Les couloirs et les balcons de la tour y ont également été conçus et l’immeuble a servi de base à la production.

Le Old Stena Terminal sur le Ballast Quay a donné à Mark Tildesley l’échelle pour concevoir l’impressionnant Penthouse de Royal et l’immense hall de la tour, inspiré par le travail de Le Corbusier.

Le jardin sur le toit du Penthouse de Royal a été tourné au Walled Garden du château de Bangor, conçu par la famille Ward dans les années 1840." (extrait du dossier presse).

En conclusion, le film n’est pas pour tous les yeux, j’en conviens volontiers et mon enthousiasme n’est pas partagé par tous les cinéphiles, même par ceux qui ont apprécié les autres longs métrages de Ben Wheatley. Cependant, je persiste et signe pour inviter à découvrir un de mes coups de coeur !



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